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Lieux de mémoire
Col Jérôme Cavalli
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Coublevie
Valence

La stèle
Intervention
Gaston Emery
Discours
Jérôme Cavalli fils
Témoignage
Léon Llamas
France 3
Journal du 19/20

La biographie
de Léon Llamas

Monsieur Léon LLAMAS, Domicilié à Granges les Beaumont, dans la Drôme est l'unique témoin connu de la fin tragique de Jérôme CAVALLI .
Il a bien voulu pour nous relater les circonstances de ces moments poignants , car malgré le temps passé , il n'a rien perdu des souvenirs du soir du 3 février 1943 au camp immense de THELEPTE dans le sud tunisien où étaient regroupées les forces aériennes interalliées pour combattre l'ennemi en Afrique du Nord

Monsieur Llamas, dans sa modestie, n’a jamais réclamé la moindre distinction et il me semble que, un tel personnage mériterait un hommage tout particulier en regard de tant d’autres pas toujours autant méritants, mais plus ingénieux pour décrocher des titres honorifiques et parfois en faire collection.
Monsieur Llamas a eu une carrière dans la Drôme car il y a 30 ans à quelque chose près, il est entré comme directeur à la Centrale E D F de Beaumont Monteux, soit La Vanelle ou il réside toujours avec son épouse de 97 ans.
Je pense orienter mes efforts pour réparer cette lacune avant qu’il ne soit trop tard.
Gaston Emery, Président de En Envol avec Jérôme Cavalli.
Le jour où CAVALLI est parti là haut .

C'était au mois de Février 1943, le 3.
Je recouvrais de terre les tôles ondulées qui servaient de toiture au P.C. de l'escadrille des SIOUX . Nous venions de finir la construction et l'aménagement de cet abri, l'adjudant METZGER et moi, soldat de 2ème classe. Le Commandant ROZANOFF avait demandé de camoufler ces tôles au plus vite, très visibles d'en haut.
J'étais donc occupé à cette tâche. A deux pas de moi le Sous Lieutenant CAVALLI, nouvellement promu à ce grade, finissait une partie de pétanque avec le Sergent-Chef COISNEAU, juste devant l'entrée du fameux abri P.C..
Il était environ 16 h 30. A 500 mètres de là étaient les cuisines et déjà beaucoup de monde faisait la queue pour se faire servir.
Je plantais là ma pelle et descendait dans l'abri, chercher ma gamelle. En remontant en surface, je dis à CAVALLI : "Mon Lieutenant, je vais à la soupe, il est l'heure" - Il m'a dit : "Bonne idée, on y va aussi". Et ils descendirent à leur tour chercher leur gamelle.
Je me dirigeais aussitôt en direction des cuisines. J'avais parcouru une centaine de mètres (des P40 de retour de mission prenaient la piste pour se poser ) quand j'entendis le crépitement de mitrailleuses, je levais les yeux et j'aperçus des avions allemands qui mitraillaient nos P40 qui se posaient. C'est là que j'ai vu la bombe que venait de larguer un allemand décrire une courbe passant au-dessus de moi qui venait de me plaquer au sol.
Il s'ensuivit une bagarre entre les P40 qui remirent la gomme. Il y eut encore un mitraillage semant une panique parmi tout ce monde réuni devant les cuisines.
L'alerte passée, après avoir été servis, nous dînions quant est arrivé le Sergent-chef REBOUL (mécanicien) qui annonça à la cantonade : "LLAMAS et PASTRE viennent d'être tués devant le P.C. des SIOUX". Pensez le choc : LLAMAS c'était moi !
J'ai aussitôt pensé à CAVALLI et COISNEAU que j'avais laissé là bas.
J'ai couru à perdre haleine vers le P.C. et là j'ai vu disloqués, noircis par la poudre, brûlés, les cheveux hérissés, les deux hommes que je venais de quitter quelque minutes avant.
La bombe que j'avais vu passer au dessus de ma tête était tombée à leurs pieds au moment où ils remontaient de l'abri .
Le couffin d'alfa qui contenait les bombes était déchiqueté, les boules éparses, le manche de la pelle que je venais de planter entaillé par un éclat.
J'avais à cette époque 20 ans et 6 mois. Très choqué, c'est le lieutenant HEBRARD qui m'a calmé, apaisé. J'ai pris un marteau pour reclouer les cloisons intérieures qui avaient rudement souffert de l'effet du souffle.
Quand j'eu fini de remettre un peu d'ordre je me rendis à l'abri ou je logeais avec deux camarades : c'était la centrale électrique du campement.
Le lieutenant MONTPERAT, dit affectueusement "BOULAHÏA" par les officiers, me dit : "Tiens vous n'êtes pas mort !"
Je fus long à m'endormir ce soir-là. Le lendemain, je repris mon ouvrage aux alentours du P.C. pour combler le cratère qu'avait fait la bombe. Je vis sur le sol à quelques mètres de là un doigt humain. Je ne sais pas auquel des deux hommes il appartenait. J'en parlais à un officier, lui demandant quoi faire. Il m'a dit de creuser un trou, de l'enterrer et de faire une prière.
En roulant au sol un fût de 200 litres qui servait de réserve d'eau, ma main a glissé sur quelque chose de visqueux, blanchâtre. Je crois que c'était de la matière cérébrale.
ET VOILÀ : le récit de la mort de ce héros. Je suis le dernier à avoir échangé quelques mots avec lui ce 3 février 1943.

20 ans plus tard le déroulement de ma carrière m'a conduit dans la Drôme, où je vis depuis. Je ne me doutais pas que c'était le pays de CAVALLI, jusqu'au jour où une page du Magazine du Conseil Général de la DRÔME n° 46 de janvier-février 2002 vienne réveiller en moi ce douloureux souvenir.
J'ai aussitôt contacté le Président de l'Association "EN ENVOL AVEC JEROME CAVALLI" pour lui demander de bien vouloir me convier au baptême du Col auquel elle œuvre pour lui donner son nom .

Ce contact m'a permis de retrouver un pilote que j'ai connu à Casablanca à l'Escadrille LA FAYETTE en 1942 (année du débarquement des Américains), le Lieutenant Colonel Jean GISCLON auteur entre autre du merveilleux livre "Chasseurs au Groupe LA FAYETTE du Nieuport au Thunderbolt"

Léon LLAMAS.


Le fanion de l'Escadrille LAFAYETTE

Nota : L'auteur de la retranscription a tenu à restituer le récit dans le respect rédactionnel de l'auteur , afin de préserver ses moments émotionnels que l'on ressent intensément . .

La biographie de Léon Llamas

Né le 24 Mai 1922 en Algérie à HARDY (Département d’Alger) dans une ferme qu’exploitait Pauline SERVAIS, veuve de guerre, qui avait perdu son mari Victor HAISSANT aux Dardanelles en lui laissant deux filles (pupilles de la Nation).

Carlos LLAMAS, né d’immigrés espagnols, maçon, illettré, fut embauché par la veuve Pauline HAISSANT pour la seconder. Celle-ci le dégrossit et lui apprit à lire. Quand Carlos eu 21 ans, il opta pour la nationalité Française et fut enrôlé dans l’Armée Française pour accomplir son devoir. Libéré en 1921, il revint chez la veuve HAISSANT. Ils se marièrent et je naquis de cette union.

L’exploitation d’une ferme n’étant le fort ni de l’une ni de l’autre, ils abandonnèrent le métier de fermier et mon père reprit son métier de maçon. La petite famille vint habiter à ORAN, à savoir : maman, papa, mes deux demi-sœurs et moi.

Pendant son service militaire (incorporé dans les Zouaves ) il avait participé à la guerre du RIF au MAROC. Là il avait appris qu’il y avait du travail dans ce pays qui naissait.

Il revint seul et se fit embaucher aux mines de plomb : L’AOULI sur l’Oued Moulouya. Quand il eut gagné assez d’argent pour notre voyage, il nous fit le rejoindre. Il nous installa dans un logement de fonction à MIBLADEN, un fortin bordj entouré par des murs de pierre d’une hauteur de six mètres que je le vis lui et d’autres maçons construire.

Nous étions en 1926. J’avais alors 4 ans. Ensuite nous avons habité MIDELT, mes parents m’inscrivirent au catéchisme. J’ai été enfant de cœur durant 9 ans

Reçu au C.E.P. en 1932, mes parents me mirent en apprentissage chez un tailleur vestimentaire, il était grec. Cela fut très enrichissant.

Le village de MIDELT étant une garnison et en 1935 le soumission du Sud Marocain étant chose faite, les militaires quittèrent la ville. Le patron étant tailleur militaire se voit obligé de quitter la ville.

Je me fis embaucher par un mécanicien automobile, chose que je n’avais pu faire avant, ce métier nécessitant une certaine force physique. Au bout de deux ans, je quittais MIDELT pour aller à MARAKECH chez ma demi-sœur. J’ai continué à m’instruire sur le tas dans différentes disciplines : automobile et industrie. Avec la guerre de 39-40, beaucoup de gens furent mobilisés et les jeunes furent très sollicités pour remplacer les hommes partis. Période très enrichissante au point de vue métier, j’ai appris beaucoup de choses et devant les problèmes mon esprit d’initiative s’est développé à vitesse Grand V.

Les années ont passées et avec les déboires de la pauvre France occupée, en Afrique du Nord,… les commissions d’armistices, etc.….

Les jeunes devaient se présenter pour servir dans les chantiers de jeunesse.

Avec tout ce que j’avais appris en tant que mécanicien auto, électricien, basse et moyenne tension, permis de conduire, tailleur vestimentaire, je voulais trouver mieux que de casser des cailloux !!!! pour mettre sous le passage des roues….. Il n’y a pas de sot métier, mais je voulais mieux. Et j’ai appris que l’Armée de l’Air engageait des volontaires. Me voilà donc parti à FEZ pour m’engager pour une durée de quatre ans, au C.I.E.V.A.M. (Centre d’Instruction des Engagés Volontaires de l’Armée de l’Air au Maroc). Au bout de trois mois, j’eu la chance d’être affecté au G.C. 2/5 (Groupe de Chasse) Escadrille des SIOUX à CASABLANCA., le 2 janvier 1942. Là j’ai rencontré des AS de Chasseurs, jeunes qui s’étaient distingués en 1939-40. J’ai été affecté comme aide mécanicien sur l’Avion Curtis P 36. Tout allait bien pour moi.

Un jour, le poste de police m’envoya au hangar où je travaillais, un planton pour me signifier de m’y rendre.

LA !!! Surprise !!Je reconnu un militaire sergent chef du Train. Il était l’époux d’une fille avec qui j’avais usé les bancs de l’école de MIDELT. Ils venaient m’inviter au baptême de leur fils nouveau-né.

Hélas, je ne pouvais accepter l’invitation car ce jour j’étais de défilé en ville. Le défilé eu lieu comme prévu et quelle ne fut pas ma surprise quand je vis le papa du bébé à baptiser qui avait assisté en tant que badaud au défilé. Il était venu au moment où nous montions en camion pour rejoindre la base aérienne. Il demanda au chef pilote LEGRAND ( 1er AS de Guerre) de me libérer, ce qui fut fait. Je remettais à un copain mon fusil et mes accessoires et je partis avec mon hôte.

Ce jour-là, ma vie prit un autre sens !


Casablanca juillet 1944 - A nous deux pour toujours - Hélène et Léon

Arrivé chez sa belle sœur qui les hébergeait depuis la naissance du bébé, quand je la vis ce fut le coup de foudre.. Elle est par la suite devenue mon épouse, non sans mal. Un engagé ne se marie pas ou difficilement, aujourd’hui cela fait 68 ans que nous le sommes. Elle avait à l’époque 30 ans, moi, je venais d’avoir 20 ans. Elle était veuve depuis trois ans et mère d’un enfant de neuf ans. Au sein du groupe de chasse quelques soldats furent désignés pour passer le permis de conduire automobile. Bien que titulaire du permis civil auto et moto, je faisais partie du contingent d’élèves ‘le permis civil n’étant pas valable dans l’armée). Très vite les instructeurs voyant mon degré de savoir, me désignèrent comme aide instructeur en cours de conduite, code de la route et connaissance mécanique. Après les examens du permis de conduire, je fus affecté, au sein de l’escadrille, comme permanent au hangar et locaux de l’escadrille sur le terrain. A partir de ce moment là, je n’ai pas dormi en chambre, j’avais un coin dans le magasin technique.

Un peu plus tard, mi octobre, je fus remplacé à la permanence pour rejoindre dans la chambre le peloton de candidat caporal.

Comme dans ma seizième année, j’avais suivi les cours de préparation militaire, je faisais figure honorable au peloton de caporal. Je tiens à signifier ici, que l’instructeur qui nous formait, le sergent-chef REBOUL, allait par la suite jalonner mon parcours. Nous étions ce jour le 7 novembre 1942, j’avais eu une permission de nuit. J’avais rendez-vous avec mon coup de foudre, nous avions convenu de nous retrouver devant le cinéma VOX à CASABLANCA.

Tout heureux, un peu fébrile, je me prépare comme pour une revue de détails. Je sortais avec un copain pour aller à la ville (8 Km.) à pieds bien sûr, à cette époque on ne disposait pas de transports en commun.

Nous allions, le copain et moi vers le poste de police pour faire enregistrer nos permissions, quand je me rendis compte que dans la préparation de la Revue de détails, j’avais oublié de prendre un mouchoir. Je disais au copain : je retourne à la chambre prendre un mouchoir !. L’omission réparée, je revins au poste de police. Je tendis ma permission au sergent de garde qui me la confisqua « La base est consignée, l’ordre vient d’arriver, rejoignez votre chambre ! ». Je sortis du bureau dépité d’avoir manqué la sortie pour un mouchoir. Mon copain venait lui, après avoir fait enregistrer sa permission de passer devant le poste de garde. De loin, il me fit signe. Je lui fit comprendre de filer. Et je retournais à ma chambre. A cette époque, il était impossible de joindre quelqu’un par fils ou téléphone. Je passais une nuit pleine de regrets. En ville, mon coup de foudre était venu au rendez-vous, ou elle a cru que je lui avais posé un lapin. Pensez, il y avait à l’entrée du cinéma une centaine d’aviateurs qui eux avaient eu la chance de sortir de la base avant l’arrivée de l’ordre de consignation.

Le lendemain matin, 8 novembre 1942, c’était le débarquement des Alliés Américains.

A quatre heures du matin on a sonné le réveil nous ordonnant de nous rendre à nos unités. C’était le Débarquement des Alliés.

Nous avons essayé de faire face à ce débarquement selon les ordres de Vichy, via le canal de la Résidence Générale à Rabat qui n’a pas vu l’importance de cette flotte et qui ne pouvait pas se douter de ce qui arrivait. Un de nos pilotes : l’adjudant-Chef Verrier en revenant d’une mission de reconnaissance nous a dit ceci : « On ne voit plus la mer, il n’y a que des bateaux à perte de vue ». Jugez de l’ordre ridicule quand celui-ci parvint à notre petite escadrille (2/5 Cigognes et Sioux) de repousser ce géant de mers. Et le Débarquement eu lieu !

Dans les jours qui suivirent les autorités militaires américaines, se souvenant de La Fayette, nous équipèrent en matériel neuf pour remplacer nos P. 36 dont un grand nombre avaient été descendus au cours de ce baroud immanquablement voué à l’échec . Nos pilotes ont opposés une belle résistance aux « Gruman »équipés de mitrailleuses de 13/2 alors que nos vieux Curtis P. 36 qui s’étaient déjà bien battus en Campagne de France avaient perdus beaucoup de « plumes » Nos pilotes également ont laissé aux Américains une impression très vive. Ils ont même cru que nous étions des allemands vu notre féroce acharnement.

Nous avons alors été pris sous l’égide de l’U S Air Force pour les seconder en Tunisie contre les armées de Rommel en Lybie. Nous étions basés sur un terrain interallié de Thélepte : vaste plateau sec, au sud du pays, à 800 mètres d’altitude entre les cols de Kasserine au nord et de Ferriana au sud.

L’ennemi venait périodiquement faire des raids d’incursions de mitraillage et bombardement en même temps. Et un de ces jours là, une bombe fut fatale à deux pilotes CAVALLI et COISNEAU.

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